La zoothérapie pour les malades d’Alzheimer
La maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées touchent plus de 850 000 personnes en France. Et près de 220 000 nouveaux cas apparaissent dans l’Hexagone chaque année. Pour freiner l’évolution de la maladie, des établissements d’hébergement misent sur la prise en charge non médicamenteuse.
Près de Rennes, plusieurs structures proposent des séances de zoothérapie à leurs résidents. Un éducateur spécialisé intervient plusieurs fois par semaine avec son chien et un lapin nain auprès de groupes de malades. Ces rencontres avec l’animal ont surtout pour but d’apaiser les résidents. Les exercices doivent aussi maintenir voire améliorer les aptitudes physiques et psychologiques des patients. Reportage à l’établissement les Champs-Bleus à Vezin-Le-Coquet.
Allongée sur une table, quasiment endormie, la chienne golden retriever se laisse tranquillement caresser. Des mains passent et repassent sur son poil soyeux. Elle se délecte. Contrairement aux apparences, la jeune Elsie « travaille ». L’animal participe à une séance de zoothérapie.
La chienne est entourée par son maître, Emmanuel Doumalin, éducateur spécialisé en médiation animale, par une aide-soignante et par trois personnes âgées. La scène se passe dans une petite pièce de l’EHPAD (Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes) les Champs Bleus à Vezin-Le-Coquet (35), près de Rennes.
Ce nouvel établissement accueille 64 personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou de maladies apparentées. « La plupart des résidents sont anxieux et parfois en opposition, explique le médecin coordonnateur de la structure, Laure Jouatel. Ils ont aussi des troubles du sommeil et de la mémoire. Certains se sentent persécutés ». Pour freiner l’évolution de la maladie, cette résidence mise sur la prise en charge non médicamenteuse. Elle propose plusieurs activités comme l’art thérapie? la sophrologie et donc la zoothérapie*, « dont les objectifs sont d’apaiser les résidents et de susciter des émotions ». Pendant trois mois, une petite partie des résidents suit une séance hebdomadaire de médiation animale.
Faire retrouver du plaisir par les sens
Dans la salle dédiée aux ateliers, la jeune golden se prélasse toujours autant. Emmanuel Doumalin saisit les mains de Mme Alexandre**, enfoncée dans un large fauteuil, pour les apposer sur l’animal. La vieille dame se redresse alors tout naturellement, puis commence à effleurer le pelage. Son visage se détend. « On stimule le toucher et les articulations », décrypte le zoothérapeute, qui travaille ensuite la concentration et l’attention de la dame en lui demandant de suivre et d’imiter le mouvement de ses mains le long du corps d’Elsie. Plus tard, un autre résident en fait de même avec ses pieds, de manière très douce. « C’est chaud, cela fait du bien », raconte ce retraité de 90 ans, épanoui par le contact avec le chien. « On travaille le potentiel cognitif, psychomoteur et affectif. Le but est de retrouver du plaisir par les sens, de se détendre, et de prendre confiance », explique le zoothérapeute, qui encourage et félicite fréquemment les personnes âgées. Tout le temps de la séance, les participants reçoivent aussi successivement sur leurs genoux la visite d’un lapin nain. Tout le monde se sent ainsi concerné, personne n’est mis à l’écart.
Aucun exercice n’est anodin
Exercice suivant, Emmanuel Doumalin travaille la représentation dans l’espace et la perception de soi. Il montre une partie du corps de la chienne, que les résidents doivent désigner sur leur propre personne. Grâce à son humour, l’éducateur instaure une ambiance conviviale et décontractée. Les sourires des anciens en témoignent. « Nous sommes dans l’échange et le partage. Cela permet de les ramener au réel », complète le zoothérapeute.
Ensuite, c’est aux résidents eux-mêmes d’aller saisir une oreille ou une patte de l’animal en suivant les consignes d’Emmanuel Doumalin. En fin de séance, chacun récompense Elsie en lui donnant un nombre précis de croquettes. « Rien n’est anodin. Cela permet de travailler la mobilité des doigts et du poignet ».
Redonner confiance au patient Alzheimer
Et ça marche vraiment pour certains. « Une dame, pour qui c’était difficile de se verser un verre d’eau, peut désormais le faire. On maintient ainsi l’autonomie, se félicite Isabelle Guillou, assistante de soins en gérontologie. Cette même dame, en échec sur d’autres ateliers, a repris confiance en elle grâce à la zoothérapie. Elle s’exprime avec des phrases plus longues. Avant elle faisait un blocage car elle avait peur de se tromper ».
La présence de l’animal réconforte les malades. « La zoothérapie a pour but de les rassurer, de les sécuriser. De faire qu’ils se sentent bien dans l’établissement », indique le Dr Jouatel. La plupart des résidents possédaient un animal de compagnie. Les rencontres avec la chienne ravivent souvent de bons souvenirs. Des liens affectifs se sont même créés avec Elsie.